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Re: [Fsfe-france] Re: Le futur SCILAB est un ami du libre


From: antoine moreau
Subject: Re: [Fsfe-france] Re: Le futur SCILAB est un ami du libre
Date: Tue, 12 Apr 2005 22:03:26 +0200
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Le 4/12/05 1:30 PM, Antoine a peut-être écrit (may be wrote) :

En d'autres termes, une oeuvre, y compris non-logicielle et non-numérique,
peut aussi "fonctionner" en ce qu'elle est donnée au public en certaines
modalités propices.

Enfin il ne faut pas oublier qu'une oeuvre "non-logicielle" ne constitue
pas forcément pour autant une "oeuvre d'art", cela peut-être un article
d'opinion, un essai, un croquis scientifique, etc.

J'imagine que les membres de la communauté Art Libre peuvent nous éclairer
un peu plus sur la question.

En quelques mots :

- la distinction entre oeuvre fonctionnelle et oeuvre non fonctionnelle n'est pas pertinente car en amont de l'oeuvre, c'est l'auteur qui a fonction. C'est lui qui est, en fonction de sa puissance de création, opérant. La fonction de l'auteur c'est d'opérer (comme on le fait d'un corps physique, d'un corps social).
Il crée pour cela un objet (une oeuvre, un outil).
Penser qu'une oeuvre d'art n'est pas fonctionnelle c'est penser qu'elle n'opère pas. C'est une erreur, elle opère les esprits, elle fonctionne mentalement, elle forme les cervelles. La culture, c'est bien ça : une formation de l'esprit (quand ce n'est pas une police de la pensée dans sa version brutale).

Si Simondon (l'auteur de "de l'existence des objets techniques" http://commposite.org/2000.1/articles/gladu.htm) a eu raison en élevant le moteur et la mécanique à l'un des Beaux-Arts (ce que reprend aujourd'hui le directeur de l'ircam, Bernard Stiegler http://1libertaire.free.fr/BStiegler01.html <-- très intéressant article sur le politique et l'artistique), il faut comprendre que l'art est, non seulement moteur, mais un moteur, une mécanique. Ca fonctionne comme un moteur l'art, plus même, c'est le moteur même de toutes fonctions (par ex celles des auteurs).

- ce qu'on appelle "art" est nul. 0 pointé. Vide. Vacant (ce n'est pas rien et encore moins néant). Ce n'est plus aujourd'hui un objet qui aurait les qualités qui ont fait l'Histoire de l'Art. Car cette histoire est achevée selon ce qu'en dit (très justement) Arthur Danto http://www.lire.fr/critique.asp/idC=36395&idTC=3&idR=210&idG=7 ) Ca ne veut pas dire que l'art ne soit plus possible, mais que c'est du post-art, du para-art, un à côté de l'art (les artistes depuis l'invention du ready-made n'ont eu de cesse de montrer ça, de faire ça).

Aussi : toute oeuvre est d'art dans la mesure où, à côté de ce qui fait la définition entendue de l'art, elle en est son renouvellement. Elle est la renaissance de l'art après que celui-ci se soit volontairement annulé. Cette annulation est le processus même de la création artistique, son économie propre : "l'art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art" http://www.4t.fluxus.net/quid.htm C'est loin d'être sa négation, c'est dire sa fonction, comment ça fonctionne l'art.

Aussi : à chaque fois que vous parlez d'art vous dites son contraire. L'art n'en a pas l'air. C'est là sa liberté : qu'il ne soit pas compris par ce qui voudrait le définir. Ainsi les historiens d'art sont-ils aujourd'hui d'accord pour ne plus chercher "qu'est-ce que l'art ?" mais suivant Nelson Goodman "quand y a-t-il art ?"
Oui, quand ?

Quand il y a lieu (théatre des opérations ou, pour reprendre la formule de Mallarmé : "rien n'aura eu lieu que le lieu").
Quand a lieu l'opération.
Quand ça fonctionne, quand ça forme, sous toutes formes, quand nous sommes en forme, quand nous sommes pris par les formes, quand nous sommes formés. Bien avant les intentions de former quoique ce soit (par des artistes "formidables")

- j'avoue qu'il y a quelques difficultés de perception pour tout ce que je viens laborieusement d'essayer d'expliquer parce que justement l'art est imprenable. On pense le capter (le prendre et le comprendre) et finalement c'est une trace de son objet qu'on a (à travers l'objet d'art on pense avoir l'objet DE l'art. On en a que le re-trait).


- pour finir et être concret ( ah ! et quelle concrétude ?...) pour les questions qui nous occupent : la rencontre du libre et de l'art (tout contenus, j'insiste) n'est pas arbitraire, mais bien le signe de ce qui se trame dans la culture contemporaine et à venir (numérique et non numérique, on-line et off). S'il s'agissait, comme le font les licences CC, de conformer l'art (entendons la faculté d'invention, tous types d'inventions) à des libertés particulières, ce serait terrible, pour ne pas dire terrifiant. Car ce qui se créé n'est pas du domaine du particulier, mais bien du singulier.
Oui, la création est singulière.
Mais ce singulier a rapport avec le pluriel, avec le commun. Ce qui n'est pas le cas du particulier : le particulier n'a rapport avec personne d'autre que son propre cas. Un cas de figure incapable de faire face, politiquement. Incapable d'envisager l'altérité (cette crainte d'être altéré dans son identité de bloc). Parce qu'il n'a pas de puissance (c'est la raison de son vouloir de pouvoir). Le particulier n'aime pas avoir commerce. Il veut bien que sa parole circule, se propage.
Cette parole n'est pas "l'inter-dit" de la poèsie
(ne pensez pas qu'un poème soit de l'eau de rose...),
c'est de la communication,
de la propagande en marche.

Aussi : l'attachement qu'on peut avoir pour le libre (copyleft) et la création post-artistique est juste quand on prend en considération la polis (la cité) bien commun des singularités. Juste, quand nous voyons une police (gardienne de la cité ?...) se mettre en place pour traiter les cas particuliers sans soucis et du singulier et du commun.

--

antoine moreau





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