[Fsfe-france] Logiciel Libre et concurrence

[Antoine]

Je dis bien "concurrence" et non "droit de la concurrence", c'est
donc peut-être hors-sujet par rapport à la discussion précédente.
J'ai lu quelques passages fugitifs d'un livre de Michel Volle,
"e-conomie" (lisible en ligne : 
http://www.volle.com/ouvrages/e-conomie.htm), et sa théorie est 
intéressante : l'économie numérique (typiquement, le logiciel)
est une économie à coût de production entièrement fixe.
Alors, dixit MV, « le marché du bien considéré obéit soit au régime de 
monopole ou d’oligopole, soit au régime de concurrence monopoliste,
mais en aucun cas au régime de concurrence parfaite ». Le régime de
concurrence monopoliste y est défini comme une juxtaposition de 
monopoles sur des régions géographiques ou des domaines de 
fonctionnalités distincts, mais avec une concurrence active à la
frontière entre ces régions (et d'autant plus active que la zone de 
conflit étant réduite, les combats y sont acharnés). Cela peut se 
comprendre par un exemple : Microsoft est dominant sur les PCs à
usage personnel ou bureautique, Unix / Linux sur les serveurs et les 
stations de travail "haut de gamme", mais la bataille fait rage
pour déplacer peu à peu les contours des zones de dominance dans 
l'espace des fonctionnalités.

J'ajoute que n'ayant pas de formation économique, je ne suis pas à
même de juger de la pertinence théorique de cette thèse, qui semble 
cependant très bien fondée.


Dans ce contexte, il me semble qu'il y a deux moyens d'éviter que
la "concurrence" soit mécaniquement réduite à sa portion congrue :

- briser les monopoles et oligopoles par une action violente et
régulière d'organes de régulation (ou des Etats eux-mêmes) :
tâche sisyphéenne puisque le marché tend par essence vers une
structure de monopole plus ou moins "pur"

- favoriser le brassage des acteurs, notamment en promeuvant 
l'interopérabilité et l'ouverture des sources, ce qui abaisse la 
barrière d'entrée : à défaut de résoudre la formation de monopoles,
on peut contribuer à les rendre plus fragiles ou "labiles"

J'ajoute que le logiciel libre a pour intérêt de déplacer
l'enjeu économique vers les services au détriment de la
rémunération de "propriété intellectuelle", donc vers un
champ qui devrait être a priori moins sujet à l'établissement
de monopoles (je ne crois pas que le marché des SSII souffre 
d'une position dominante...). Evidemment, ce n'est pas une
bonne nouvelle pour ceux qui font métier de louer les droits
d'exploitation de leur "propriété intellectuelle". Mais, 
après tout, IBM et d'autres font la conversion.


Pour le plaisir, un extrait savoureux :

« Le partage des territoires, les guerres de frontières, les
partenariats, rappellent l'économie de l'époque féodale, lorsque chaque
seigneur, grand propriétaire foncier, contrôlait un territoire autour de
son château-fort, entretenait la guerre sur ses frontières, et passait
avec ses voisins ou son suzerain des accords sanctionnés par des
serments d'autant plus solennels qu'ils étaient bientôt violés. Il est
intéressant d'observer, au sein de l'économie la plus moderne, celle du
STC, la résurgence d'un style économique que l'on pouvait croire révolu.
Le risque extrême, associé en cas de réussite à des profits démesurés,
suscite des formes de concurrence violentes. Les entrepreneurs sont
tentés de corrompre les acheteurs pour s'assurer des débouchés, et pour
cela il leur faut constituer des " caisses noires " illégales.
L'économie du STC donne donc du travail à l'appareil judiciaire : les "
affaires " lui sont endogènes. »

(http://www.volle.com/ouvrages/e-conomie/mono.htm)

Au moins pour les "formes de concurrence violentes", cela rappelle de 
façon flagrante les différentes manoeuvres de Microsoft mais aussi 
d'autres entreprises dont SCO est l'exemple le plus récent.


Amicalement

Antoine.